Originaire de Nessadiou, Alima Abdel Kader Bouhanani, fille de Sylvain Abdel Kader et d’Augustine Taieb Ben Mebrak est âgée de 58 ans. Plus connue sous le surnom de Nanette, elle descend de transportés algériens déportés dans les années 1870. Taëb Ben Mebrak, son grand-père maternel, a été condamné, à l’âge de 18 ans, à la place de son frère et envoyé en Calédonie après un an de prison en Algérie. Son grand-père paternel, Abdel Kader Bouhanani, a été condamné pour avoir tué son rival. « Pendant les trente années où il a vécu ici, mon grand-père Bouhanani était interdit de Nouméa, indique Nanette. Mes deux grands-pères sont morts sans jamais avoir pu retourner sur leur terre natale. Malheureusement, je ne les ai pas connus. » Ces deux transportés de droit commun ont épousé des Métropolitaines déportées. « Du côté de mon père, il y a eu dix-huit enfants et onze du côté de ma mère. »

Racisme. Nanette a quitté Nessadiou à 16 ans pour suivre ses études à Nouméa, à l’école normale. A 19 ans, elle occupe son premier poste d’institutrice. En 1998, elle est nommée directrice. « J’ai eu une éducation sévère, car, pour mes parents il fallait que l’on démente les rumeurs sur les Arabes. On se devait d’être exemplaires et irréprochables. [...] Mon père et ma mère n’ont pas eu droit aux études, donc leur souhait était que leurs enfants réussissent. [...] Dans ma jeunesse, j’ai été confrontée au racisme. On n’arrêtait pas de me dire que j’étais une sale race. J’avais tellement honte que j’ai caché pendant très longtemps mes origines. » La Bouraillaise, mariée à Roger Jean, a travaillé sous son prénom français, Jeanne. Sa véritable identité, elle ne l’a révélée que quand elle a accédé au poste de directrice d’école.
Nanette a retrouvé des membres de sa famille algérienne. « Un neveu immigré en France en 1958 a lancé des recherches pour retrouver la lignée calédonienne. C’est grâce à lui que nous avons retrouvé nos racines. » En 1989, elle s’est rendue en France, chez un cousin, puis en Algérie. « Je voulais voir la terre de mes ancêtres. Quand j’ai vu mes cousins, j’ai eu l’impression de les avoir toujours connus. »

Reconnaissance. Cette maman de deux garçons, à la retraite depuis 2002, consacre son temps aux associations. Elle est présidente de L’Âge d’or, vice-présidente de la Jeunesse sportive de Nessadiou, membre de l’association des femmes Jeanne-Boutin, des associations des Arabes ainsi que de celle des descendants d’Algériens et Maghrébins.
Pour elle, Caledoun, c’est une reconnaissance de la communauté arabe du pays. « C’est aussi un hommage à la mémoire de nos ancêtres. Pour nous, c’est plus qu’une histoire de destin commun, on a un droit de sol, car on fait partie de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. » Lorsqu’on lui demande ce qu’elle déteste le plus, la réponse fuse comme un éclair : « J’ai horreur du racisme. Avec un passé comme le mien on ne peut pas accepter cette mentalité. »