Les Nouvelles calédoniennes : Quelle est la situation dans la région ?François Doumenge : Luttes claniques, massacres, corruption... La Mélanésie* est le trou noir du Pacifique : elle absorbe toute l'énergie et devient incontrôlable, comme l'Afrique. Aux îles Salomon, par exemple, les habitants de divers endroits s'entre-tuent à l'arme lourde. Il y a des mouvements de sécession (Bougainville), comme autant de séquelles de la colonisation. Des conflits entre les autochtones et les immigrants existent aussi à Fidji, par exemple. En Nouvelle-Calédonie, il y a aussi encore quelques tensions.L'insécurité urbaine est un phénomène qui prend de l'ampleur à Honiara, Lahé en Nouvelle-Guinée et même à Suva, la capitale fidjienne maintenant.LNC : Pourquoi une telle destabilisation ?F.D. : Les problèmes dans cette région sont la conséquence de l'affrontement entre tradition et modernité, de la décolonisation rapide et parfois mal organisée et de l'antagonisme entre les groupes autochtones et les immigrants. Il y a une autre source de conflit encore plus grave : le pillage des ressources naturelles. Toutes les dérives sont permises dans ces Etats désorganisés, où ne règnent pas l'ordre et la loi.LNC : Pourquoi aucune intervention étrangère ne vient remettre de l'ordre dans ces contrées ?F.D. : Personne ne peut plus rien faire. Il est trop tard. Il faudrait envoyer beaucoup trop d'hommes par rapport à nos capacités pour faire régner l'ordre. Pourtant, il y a des intérêts économiques à défendre (mines d'or en Nouvelle-Guinée, par exemple). Dans le Pacifique, il ne faut pas fermer les yeux sur un problème, sinon ils dégénèrent en problème insurmontable. C'est la vulnérabilité des îles.* La Mélanésie comprend la Nouvelle-Guinée, l'archipel Bismarck, les îles Salomon, la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu et les îles Fidji.