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    Nouvelle Calédonie
  • Sciences. Pierre-Yves Le Meur, anthropologue et directeur de recherche à l'IRD
    Propos recueillis par Yann Mainguet | Crée le 12.05.2015 à 13h45 | Mis à jour le 24.07.2016 à 11h49
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    « Le conflit a été un mode de gouvernance à une époque », observe Pierre-Yves Le Meur. Photo Y. M.
    Au fil des projets, les relations entre populations et entreprises minières ont évolué. Les schémas sociaux, économiques et politiques ont été modifiés. Des chercheurs se sont penchés sur ces interactions et livrent aujourd'hui leur analyse.

     

    Les Nouvelles calédoniennes : Pourquoi s’intéresser aujourd’hui au lien entre « gouvernance » et secteur du nickel ?

    Pierre-Yves Le Meur : Les enjeux que nous avons étudiés, et qui tournent autour des relations entre les populations locales et l’activité minière, sont anciens. Mais, depuis quelques années, cette activité minière s’est énormément développée, diversifiée. De très gros projets structurants ont véritablement bouleversé le paysage minier et politique de la Nouvelle-Calédonie. Les enjeux ont donc augmenté. En outre, une agence de financement de la recherche sur le nickel a été créée en 2008, le CNRT [Centre national de recherche technologique, NDLR, lire ci-contre]. Ceci montre qu’un intérêt s’est manifesté du côté des collectivités et des industriels pour avoir une meilleure compréhension des processus sociaux qui se jouent autour de l’enjeu minier.

     

    Quelle est la place de l’entreprise minière ?

    Un élément est parfois très difficile à apprécier, ce sont les frontières de l’entreprise. On pourrait avoir l’impression a priori qu’une entreprise est facile à définir : il y a une concession minière, des ouvriers, des sous-traitants, etc. En fait, on s’aperçoit très rapidement que beaucoup d’acteurs ont plusieurs casquettes : ils sont à la fois salariés de l’entreprise mais aussi coutumiers, conseillers municipaux ou membres d’une association environnementale…?Les personnes impliquées dans la question minière jouent sur plusieurs registres. Les frontières de l’entreprise ne sont pas évidentes. Les gens demandent aussi parfois à l’entreprise de s’intéresser à ce qui se passe autour de la concession minière, et pas simplement dans la concession. Au fond, ce que les gens demandent implicitement à l’entreprise, c’est d’être « une bonne citoyenne locale », une façon de prendre au pied de la lettre le discours de « responsabilité sociale d’entreprise ».

     

    C’est-à-dire, un modèle ?

    C’est-à-dire de prendre en compte le fait qu’elle appartient, du fait de sa présence, à une communauté locale. Que ses préoccupations doivent dépasser le cadre strict de l’entreprise. Qu’elle a des devoirs, des obligations localement. La gouvernance minière se construit donc à l’interface entre ces enjeux de gouvernance d’une entreprise et des enjeux de gouvernance locale.

     

    Toutefois, est-ce vraiment spécifique à la Calédonie ?

    Non, bien sûr. Voilà pourquoi je travaille en collaboration avec des collègues qui interviennent en Papouasie, ou encore à Fidji, aux Salomon, en Australie. Ces enjeux-là, on les trouve partout. On a les mêmes ingrédients, mais pas dans les mêmes dosages. Ce qui est peut-être très particulier à la Nouvelle-Calédonie, c’est l’effet de la taille du pays, et puis c’est le contexte de décolonisation négociée. En outre, à la différence de pays du Sud comme la Papouasie, nous avons ici un « Etat » très présent sur le terrain, sous différentes formes – province, gouvernement, Dimenc, code minier…

     

    Quelle est la part culturelle dans ces enjeux ?

    L’enjeu culturel est présent partout. Ce sont les formes qui sont différentes. Il y a ici une histoire particulière. L’histoire coloniale et post-coloniale joue un rôle important. Les conflits sont « intéressants », dans le sens où ce sont des moments très révélateurs : les gens expriment leur position et articulent des argumentaires, ce qui permet de mieux comprendre la diversité des enjeux et des acteurs des conflits. Mais ce qui semble changer actuellement – ce sera à vérifier dans la durée –, c’est que les industriels de la mine n’attendent plus le conflit pour négocier, ils ont plus tendance à anticiper. Ce qui est frappant ici – ce n’est pas forcément une originalité absolue, mais c’est un ingrédient important –, c’est l’importance de la question foncière. Il y a très souvent un enjeu à la fois coutumier et foncier autour des conflits miniers.

     

    Plusieurs facettes ?

    Cette question foncière n’est pas juste une revendication de redistribution des terres, mais davantage une question de reconnaissance de zone d’influence, de légitimité sur des espaces. Et cette reconnaissance préalable permet ensuite de nouer un accord, pour lancer les discussions. C’est aussi une façon de dire qui est membre de cette communauté locale, renvoyant à une question d’accès à la rente minière via l’emploi local, l’entrepreuneuriat, etc. Cette base foncière des conflits et des négociations, qui renvoie à une notion de souveraineté locale, est un constat qui nous a marqués tout au long de nos recherches.

     

    Quelles leçons tirer de votre programme ?

    Sans entrer dans le rituel des recommandations, on peut partir de ce que « nous dit » le terrain. On voit une forte capacité d’innovation dans les montages institutionnels pour les entreprises de sous-traitance à base coutumière – contre le cliché de coutume comme obstacle au développement. Les conflits débouchent aussi sur des accords locaux importants –le plus emblématique est le Pacte du Grand Sud autour du projet Goro Nickel, mais il y en a d’autres – qui constituent au fond des éléments de politique minière « par le bas ». Il y a aussi des débats riches sur le consentement préalable informé, ou encore sur la fiscalité minière locale ou communale. Tous ces éléments posent aux politiques la question de la mise en cohérence de ce foisonnement local avec le cadre juridique et politique au niveau du pays.

     

    Un projet financé par la CNRT

    « La politique du nickel en Nouvelle-Calédonie : entre gouvernance locale et gouvernance d’entreprises. ».Porté par les coordinateurs scientifiques Bernard Rigo, de l’université de Nouvelle-Calédonie, et Pierre-Yves Le Meur, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ce projet a bénéficié du soutien de l’Institut agronomique calédonien (IAC), du GIE Océanide, ou encore de l’université de Melbourne et du centre Rutgers University à Hawaï. L’étude s’est déroulée de 2010 à 2015. Le Centre national de recherche technologique (CNRT) sur le « nickel et son environnement » en a assuré le financement : 44 millions de francs. ?Selon son site Web, depuis début 2008, le GIP (groupement d’intérêt public) CNRT « nickel et son environnement » est devenu un outil opérationnel de soutien à une recherche fondamentale et appliquée, dans trois axes thématiques complémentaires : nickel et technologie, nickel et société, ainsi que nickel et environnement naturel. « La formule du GIP présente l’avantage d’associer, dans une structure publique unique, différents partenaires publics et privés ». C’est-à-dire Etat, collectivités publiques territoriales et industriels.

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