Le cliquetis de la pluie battante résonne sous le toit de l’Amphi 250, et Mathieu Bunel s’adresse à sa nouvelle promotion sans micro ni porte-voix. Tout en haut, dans les dernières travées, certains ont peut-être manqué une phrase ou deux. Mais qu’importe. Le message d’accueil est passé, aucun doute là-dessus. Il est projeté sur le tableau en lettres gigantesques : « Autonomie - Responsabilisation - Travail », « inutile de miser sur la clémence du corps enseignant ». L’année universitaire 2017 est lancée, et les « première année » d’économie-gestion sont prévenus.

Travailler un peu, beaucoup, pas du tout

« Certains d’entre vous vont nous détester », assume d’emblée le professeur Bunel, anticipant les réclamations des recalés de la première session d’examen. Ni lui ni Gulliver Lux, codirecteur de la licence, ne seront tendres envers les travailleurs de la dernière minute. Car voilà le grand danger que comporte le passage du lycée à la fac : l’oisiveté. Envolée, la contrainte imposée par la garde rapprochée que constituent les enseignants du secondaire. Désormais, libre à chacun de travailler, un peu, beaucoup, tout le temps ou pas du tout. Libre à chacun de rester au fond de son lit quand sonne l’heure des cours magistraux, tant que les présences obligatoires en travaux dirigés sont respectées. Mais « attention au piège de la liberté », prévient à son tour la juriste Nancy Tagliarino-Vignal, directrice des enseignements en droit.

« Je le dis à chaque fois et je vous le dis maintenant, lance-t-elle aux 215 étudiants qui lui font face dans le plus grand silence, vous ne serez pas pris par la main, il faudra trouver la motivation en vous ». Si le corps professoral se fait aussi insistant, c’est qu’il a quelques bonnes raisons. L’an passé, seuls 30 % des étudiants sont passés en deuxième année.

« Assumez vos choix et soyez rationnels »

Pour convaincre ses nouveaux élèves de la nécessité de se lever le matin, Mathieu Bunel tente de les responsabiliser.

« D’un point de vue économique, on ne peut pas se satisfaire d’un taux d’échec aussi fort. » Les droits d’inscription étant largement inférieurs aux dépenses engagées par l’UNC pour faire vivre la formation, « c’est la société calédonienne qui met de l’argent pour vous former ». L’argument, aussi puissant soit-il, ne parvient pas à sortir de sa torpeur une étudiante de l’avant-dernier rang, profondément assoupie sur la table violette. L’enseignant tente autre chose.

« Ne venez pas en cours pour faire autre chose que travailler. Si vous voulez lire le journal, faites-le à la plage, c’est quand même plus sympa. Assumez vos choix et soyez rationnels. »

Une heure durant, le message aura été martelé. Fera-t-il effet ? Verdict en juillet, pour les résultats de la première session d’examens.