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    Nouvelle Calédonie
  • ENTRETIEN AVEC Valelia Muni Toke, chargée de recherche à l’IRD au laboratoire SeDyL
    Propos recueillis par Jean-Alexis Gallien-Lamarche | Crée le 26.02.2019 à 04h31 | Mis à jour le 26.02.2019 à 04h31
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    L’Unesco a proclamé 2019 « année internationale des langues autochtones ». Valelia Muni Toke, chargée de recherche à l’IRD au laboratoire SeDyL et spécialiste en la matière a participé au colloque intitulé « Quelle place pour les langues kanak à la sortie de l’accord de Nouméa ».

    Les Nouvelles calédoniennes : Avec 28 langues vernaculaires, onze dialectes et un créole, la Nouvelle-Calédonie comprend une très grande diversité linguistique… Ces langues sont-elles des éléments centraux de l'identité du peuple kanak ?

    Il s'agit en effet d'une diversité linguistique exceptionnelle au sein des outre-mer, et il est évident que ces langues sont des éléments centraux du patrimoine, de l'identité et de l'histoire du peuple kanak. D'ailleurs, ces langues ont été interprétées par l'autorité coloniale, à juste titre, ainsi. C'est bien la raison pour laquelle en Nouvelle-Calédonie, comme dans d'autres endroits dans le monde, il a été interdit aux gens de parler leurs langues, en particulier à l’école. Certains ont même été emprisonnés pour avoir écrit ou imprimé des tracts dans ces langues.

    Si elles n'étaient pas un élément central de l'identité autochtone, l'autorité coloniale n'aurait pas tenté, avec autant d'énergie, de les supprimer.

    Ces langues autochtones doivent-elles être reconnues comme un patrimoine en danger et donc, à protéger ?

    Avant tout, il faut rappeler que les langues kanak sont reconnues par l'État français, aux côtés des autres langues des outre-mer et des langues régionales métropolitaines, comme faisant partie du patrimoine de la France. C'est le sens de l'article 75-1 de la Constitution. De ce point de vue, l'État se reconnaît une responsabilité à leur égard en termes de préservation. Or, ce colloque a montré que la perspective patrimoniale est aujourd’hui insuffisante. Ces langues ne doivent pas finir par être des objets de musée. Et, même si certaines sont en danger ou disparues, elles sont bien encore des langues de communication quotidienne et de création artistique, des langues vivantes.

    L'ISEE estimait en 2014 que près de 67 500 personnes de 15 ans ou plus parlaient une langue kanak. Faut-il craindre la disparition de certaines langues ?

    Les « langues en danger » sont devenues un objet de préoccupation internationale dans les trente dernières années, notamment grâce aux actions de l'Unesco. Actuellement, on compare systématiquement les langues autochtones aux grandes langues de communication comme l'anglais, qui est parlé par un nombre de locuteurs absolument inédit. Mais il ne faut pas se tromper : ces langues autochtones ne disparaissent pas parce que les communautés linguistiques sont réduites, elles ont toujours été de petite taille. La Calédonie n'a jamais compté des millions d'habitants, et pourtant, ces langues ont réussi à se maintenir au cours des siècles. Alors, pourquoi disparaissent-elles aujourd’hui ? D'une part, parce que l'autorité coloniale a activement œuvré à leur disparition. Et, d’autre part, parce que les conditions de leur maintien sont très fragilisées. Des phénomènes sociaux complexes jouent en ce sens, comme l'urbanisation, la migration hors du territoire ou encore le délitement de certains liens sociaux. C’est donc la fragilisation des conditions sociales de leur maintien, et sans doute aussi le fait qu'elles ne sont pas enseignées de manière systématique à l'école, qui font qu'elles se retrouvent actuellement « en danger ».

    Dans l'accord de Nouméa,

    il était spécifié que la place des langues kanak doit être accrue dans l'enseignement et les médias. Des efforts sont-ils encore à faire dans ce sens-là ?

    Assurément. Les discussions menées lors du colloque ont montré que les langues kanak n'ont pas encore retrouvé dans l’espace public la place qui est la leur. L’excuse qui est trop souvent donnée est la diversité linguistique calédonienne, qui serait un obstacle à leur diffusion. Pourtant, cette diversité n'a posé aucun problème durant des siècles, pourquoi serait-elle insurmontable aujourd’hui ?

    La chaîne Caledonia a réalisé des journaux télévisés en langues locales, c’est une bonne façon de soutenir la transmission. Et cela permet aussi de montrer que ces langues-là sont des langues du quotidien, capables de s'adapter aux réalités du XXIe siècle.

    Le pays est-il doté d'une politique linguistique ?

    Les participants calédoniens au colloque ont, dans leur ensemble, exprimé leur désir de voir les politiques linguistiques se développer plus explicitement. Il existe ici des appuis institutionnels forts pour qu’elles puissent être pleinement mises en œuvre : l’ADCK et l’ALK. Les participants ont souligné que la situation des langues dans l’enseignement n’est pas encore satisfaisante et la remarque vaut pour les médias. Ce sont des chantiers importants pour concevoir des politiques linguistiques réellement favorables aux langues locales.

    Les anciens parlaient-ils mieux les langues kanak ?

    Les langues ne cessent d'évoluer. On ne parle pas le français du XIVe siècle au XXIe siècle. De la même manière, on ne parle pas le drehu de la même façon aujourd'hui qu'auparavant. Ce qui est extrêmement intéressant à noter, c'est que les jeunes Calédoniens écrivent leurs langues plus que jamais sur les réseaux sociaux et grâce aux nouvelles technologies. Le fait que ces langues changent et que les jeunes locuteurs les utilisent, soient créatifs, inventent de nouveaux mots, c'est un signe très encourageant pour l’avenir - si toutefois ces nouvelles pratiques sont reconnues par les communautés de locuteurs, et non rejetées.

    jeanalexis.gallien@lnc.nc

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