Elles sont issues du monde politique, associatif, coutumier, culturel ou encore religieux et ont décidé de s’engager en faveur de l’indépendance du pays. Et de briser certains tabous pour (re)donner la parole à leurs « sœurs », qui se privent de leur voix tant dans l’isoloir qu’au sein de la société.

Car depuis la création de ce collectif en 2018, les Feoui partent d'un constat qui ressort notamment de leur travail sur le terrain : alors que les femmes sont plus nombreuses à être inscrites sur les listes électorales spéciales, elles sont encore peu à se déplacer dans les meetings et autres rencontres de campagne électorale. Par ailleurs, l'abstention est également plus marquée chez elles que chez les hommes. « Les femmes ne votent pas en masse. Pour plusieurs raisons très complexes, mais la cause principale, c’est vraiment une peur. Une peur de s’affirmer indépendantiste qui résulte d’un historique politique, assure Oriane Trolue, l'une des figures de proue des Feoui. Qu’on soit Kanak ou de communautés différentes, il ne faut plus qu’on ait peur de dire que l’indépendance est l’unique espoir de transformer, à notre manière, un modèle dans lequel on n’est pas bien aujourd’hui. »

« Une chance unique »

Pour ce mouvement, l'indépendance et donc l'émancipation du pays « n'est qu'une première étape » vers l'émancipation des femmes calédoniennes en général. « On va pouvoir rentrer dans les débats à l’intérieur de la construction d’une nouvelle nation. Et cette fois-ci, par rapport à d’autres pays dans le monde, les femmes seront là dès le début quand on distribue les cartes, poursuit Oriane Trolue. On pourra discuter à ce moment-là et poser le débat sur les problématiques des femmes pour une meilleure prise en compte. C’est une chance unique au monde. » Les Feoui prônent et entendent « remettre sur le devant de la scène » des valeurs « humaines » comme le partage, le respect ou encore l’harmonie avec la nature. « Aujourd’hui, l’évolution de la société manque cruellement de cette sensibilité et de ces valeurs. Il est donc important que, nous, les femmes, on se fédère au-delà de nos différences culturelles ou ethniques pour les rappeler, estime la militante Alexia Mandaoué.

« En tant que maman, c’est la société à laquelle j’aspire pour mes enfants. Je ne veux pas seulement de l’argent, de l’économie, du pouvoir d’achat, etc. Aujourd’hui, ça nous apporte un confort très matériel, mais il y a ces valeurs qu’on oublie cruellement. Et dans les relations, ça manque désormais. Surtout dans les villes. »

Cependant le collectif sait qu’il y a encore du pain sur la planche pour une société plus juste et égalitaire entre les hommes et les femmes. Quelle que soit l’issue des échéances référendaires.

« On voit l’indépendance comme un levier, mais ce n’est pas une baguette magique où une fois qu’on aura voté oui, tout sera réglé, insiste Oriane Trolue. C’est le moyen d’épurer la société de ces séquelles coloniales que sont les inégalités, les discriminations, la division du peuple et l’insécurité, pour ensuite parvenir à traiter ces problématiques d’inégalité entre les hommes et les femmes, de violences, etc. auxquelles on pourra répondre sereinement, sans ce passé lourd qui nous entache. Ce sera moins complexe, même si cela restera compliqué. »