Devant la barre, il arbore un tricot sur lequel est inscrit en grand « Joyeux Noël ! » Pour autant, le tribunal ne lui a pas fait de cadeau. Mardi matin, un homme a été condamné, en comparution immédiate, à de la prison ferme pour conduite sans permis, sans assurance et sous l’empire d’un état alcoolique.

Une sanction qui peut sembler radicale, mais c’est sans compter le casier judiciaire de ce prévenu, long comme le bras. Depuis 2007, cet habitant de La Foa a été condamné plus d’une dizaine de fois pour des infractions routières, ce qui lui a déjà valu en 2018, une confiscation de son véhicule et deux passages au Camp-Est. Des incarcérations qui ne lui ont visiblement pas servi de leçon.

Puisqu’en moins d’un mois, cet homme de 42 ans s’est de nouveau fait épingler à trois reprises par les gendarmes pour conduite sans permis et sans assurance les 9 et 23 septembre dernier. Ainsi que pour conduite ivre au volant, le 2 octobre Un facteur aggravant qui l’a envoyé directement en prison, en vue de son jugement. « C’est sans fin… », lui reproche la présidente du tribunal, Lise Prenel, pour le moins sceptique quant à la prise de conscience du prévenu.

« Beaucoup de gens font ça »

Devant elle, ce père de famille qui s’explique avec maladresse, ne semble pas prendre la mesure de ces délits : « J’ai tenté, mais j’ai raté plusieurs fois l’examen du code. Je fais trop de fautes, raconte-t-il. Je ne fais que le trajet travail-maison car je ne peux pas marcher avec mon pied. Rouler sans permis, il y a beaucoup de gens qui font ça. »

Des propos qui font bondir Line Prenel : « Il y a déjà beaucoup d’accidents, donc si tout le monde faisait ça, la route serait encore plus dangereuse, insiste la présidente du tribunal. Est-ce que vous comprenez au moins pourquoi vous êtes là ? Et pourquoi on vous a de nouveau envoyé au Camp-Est ? En vous écoutant vous justifier, j’ai l’impression que vous n’avez pas l’intention de changer. »

Une inquiétude partagée par le procureur de la République : « Vous n’êtes en effet pas le seul à conduire sans permis. Beaucoup de gens meurent en Nouvelle-Calédonie car ils ont le malheur de croiser des gens comme vous, tance Philippe Pommereul. Pour ce genre d’infraction, le parquet ne veut pas nécessairement envoyer les personnes au Camp-Est avec le risque qu’elles perdent leur emploi et qu’elles ressortent plus mal qu’à l’entrée. Mais là monsieur, vous forcez un peu les choses. Vous êtes déféré pour l’ensemble de votre œuvre. » Il requiert six à huit mois de prison ferme. Une peine inadaptée au profil du prévenu pour qui une alternative est possible à en croire l’avocat de la défense : « Une troisième voie n’a jamais été essayée encore avec ce monsieur. Il s’agit de l’accompagnement. Il a fait les démarches mais il vous a dit qu’il n’arrive pas à passer son code. Ce n’est pas de la mauvaise volonté. On sait aujourd’hui que cet examen n’est pas facilement accessible à tous, à certaines tranches de la population, etc., estime Me Maxime Guérin-Fleury, qui avance une peine de sursis probatoire ou de prison sous le régime du bracelet électronique « pour qu’il puisse garder son emploi et son hébergement. Ce monsieur est un ouvrier agricole, qui travaille dur et assume ses responsabilités. Il n’a pas à être jugé comme tous ceux qui conduisent sans permis mais qui n’ont jamais rien fait pour passer l’examen. »

Le tribunal le condamne finalement à une peine d’un an de prison dont six avec sursis. Une détention à domicile qui s’accompagne d’une amende de 90 000 francs et d’une nouvelle confiscation du véhicule.