Vingt-cinq ans de couple et d’allers-retours au dispensaire. Madame n’a pas eu le courage de venir au procès de son compagnon tortionnaire, hier, mais la lecture de ses procès-verbaux par le président du tribunal correctionnel révèle un quotidien de coups. « Tous les matins, c’est la même chose. Les disputes, toujours. Les violences n’ont jamais cessé. J’ai eu des points de suture, des dents cassées, il m’a déjà coupée. Je pensais que c’était de la jalousie au début, mais ce n’est pas que ça ». L’homme, 53 ans, petites lunettes rondes sur le nez et une chemise bien trop grande pour ses frêles épaules, se triture les doigts. Il comparaît en récidive et le procureur a d’ores et déjà mis à exécution une précédente peine de deux mois. Il sait qu’il rejoindra le Camp-Est quoi qu’il arrive après le procès.

Un coup de feu puis la fuite

Vendredi dernier, il est 6 h 30 à la tribu de Karagreu (Houaïlou) et la colère monte progressivement chez le quinquagénaire. Jusqu’à ce qu’elle soit incontrôlable. On ne saura pas bien pourquoi, mais l’homme se saisit d’un marteau et tente de frapper sa compagne qui réussit à esquiver les coups. « Je suis partie de la maison, je suis tombée, il m’a rattrapée. Je me suis recroquevillée à terre, il m’a shootée. J’ai eu très mal », raconte la victime. « Elle monte le ton, je voulais qu’elle se calme. Je regrette ces gestes, je l’aime trop… », se justifie tant qu’il le peut le prévenu. « Oui, il l’aime et il y a toutes les raisons de le croire. Mais il l’aime mal et la violence s’est installée. Il va falloir qu’il prenne une décision sur sa vie de couple », renchérit son avocate, Me Barbara Brunard.

Raisonné par les coutumiers

Les gendarmes arrivent à la tribu, prévenus par l’un des enfants du couple, et demandent à monsieur de les suivre à la brigade. Le quinquagénaire fait alors mine d’aller chercher quelques affaires dans sa case. Les militaires s’intriguent de ce comportement louche. « Alors qu’ils étaient à découvert, un coup de feu a été tiré en l’air. Et vous avez pris la fuite dans les brousses », raconte le président Thibaud Soubeyran. Raisonné par les autorités coutumières, cet ancien électromécanicien se constituera prisonnier à la brigade un peu plus tard. Au tribunal, celui-ci explique sans détour les raisons de ce coup de sang, « les gendarmes auraient dû passer par le petit chef pour rentrer chez moi. Ça n’a pas été fait ».

« Nous sommes bien d’accord qu’il aurait mieux fait de ne pas prendre son arme mais dans certaines régions, la gendarmerie passe par les autorités coutumières pour mener des opérations et des interpellations », plaide Me Brunard.

L’enquête des gendarmes permettra la saisie de deux fusils appartenant à « un homme d’une autre époque ». « Madame en a assez de sa méchanceté, de sa violence et en aucun cas, elle ne veut se marier coutumièrement avec lui », reprend le procureur de la République, Hervé Ansquer, qui requiert un an de prison dont six mois avec sursis. La juridiction correctionnelle va au-delà des réquisitions. Reconnu coupable, le quinquagénaire écope de deux ans dont la moitié avec sursis probatoire. Durant les deux prochaines années, il aura l’interdiction de détenir une arme et, surtout, d’approcher sa compagne « pour la protéger ».

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