azerty

azerty

qwerty

qwerty

    Nouvelle Calédonie
  • Par Jean-Alexis Gallien-Lamarche | Crée le 26.05.2018 à 04h26 | Mis à jour le 26.05.2018 à 04h26
    Imprimer
    Le scinque de Bocourt, lézard unique au monde, a été capturé par Dav Kaufman alors que c’est strictement interdit. Ce Youtubeur a diffusé des vidéos sur les réseaux sociaux. Photo Ivan Ineich et DR
    Le scinque de Bocourt, un lézard qui n’existe qu’à l’île des Pins, a été capturé par des collectionneurs étrangers dont un Youtubeur. L’affaire prend une telle ampleur que la province Sud va déposer plainte.

    Il est le plus légendaire des reptiles. Celui que les terrariophiles rêvent de tenir entre leurs mains. Parce qu’il n’existe que sur un minuscule îlot de l’île des Pins*, le scinque terrifiant de Bocourt est unique au monde et sa valeur sur le marché clandestin est inestimable.

    « Ce lézard a été décrit en 1872 à partir d’un unique exemplaire récolté par un botaniste puis considéré comme éteint jusqu’à ce que je le redécouvre en 2003. En 2005 puis en 2012, j’ai identifié d’autres individus. De nombreuses missions scientifiques ne sont jamais parvenues à le trouver, il est très difficile de l’approcher », présente le docteur Ivan Ineich, responsable des collections de lézards et de serpents au Muséum national d’histoire naturelle de Paris.

    À l’époque, des publications scientifiques s’émerveillent de cette découverte, mais personne ne dévoile le nom de l’îlot sur lequel le scinque de Bocourt a pris résidence. Le reptile avait donc de beaux jours devant lui.

    Aujourd’hui, sa survie est menacée. Car en mai, une expédition de collectionneurs a capturé et filmé des geckos et des lézards dont un exemplaire du scinque de Bocourt. Pire, ils ont dévoilé la découverte sur Internet. Tant et si bien que le groupe a été contrôlé par les douanes et les gardes nature à l’aérodrome de Magenta.

    Parmi ces explorateurs venus d’Australie, du Costa Rica et d’Équateur, un certain Dav Kaufman a publié sur Youtube cinq vidéos de reptiles endémiques. Un film de treize minutes est également diffusé sur celui qu’il considère comme « le lézard le plus rare du monde » et qu’il compare au T-Rex. Ce Youtubeur américain, véritable star sur le Net, cumulant plus de 3 millions de vues sur ses vidéos et des milliers d’abonnés, a réalisé « un show à l’américaine telle une mauvaise téléréalité. C’est une catastrophe… », commente un scientifique. Contacté à de multiples reprises, Dav Kaufman n’a jamais répondu à nos sollicitations.


    Une plainte de la province

    « C’est la première fois que l’on retrouve une vidéo [vue 11 000 fois, NDLR] sur des reptiles en Calédonie avec une telle mise en scène et dans un cadre quasi-commercial », commente Jean-Marie Lafond, directeur du service environnement à la province Sud. « Cette vidéo, sans aucun but pédagogique ou de conservation, est sponsorisée par des marques commerciales de vente de terrariophilie et de reptiles captifs, c’est un scandale », dénonce Ivan Ineich.

    Le spécialiste craint que des scinques de Bocourt « aient été capturés par des « chasseurs » plus discrets. Dans ce cas, mis à part une dénonciation, il est impossible de savoir si ce lézard a déjà été prélevé illégalement ». Une catastrophe pour la survie de l’espèce dont « la perte serait irréversible pour la planète », qui a poussé les autorités à réagir. « Nous allons déposer une plainte auprès du parquet sur laquelle nous pourrons nous appuyer pour demander une suppression des vidéos auprès de leurs diffuseurs », annonce Jean-Marie Lafond. La Maison bleue sait bien qu’elle s’engage dans un long chemin procédural mais « il est important de ne pas laisser croire au grand public que tout un chacun peut aller déranger impunément ces animaux menacés qui font partie du patrimoine calédonien ».

    D’autant plus que le mal est sûrement déjà fait. Car manipuler le scinque de Bocourt ou toute autre espèce du genre « peut facilement entraîner la mort par hyperthermie, c’est-à-dire occasionner un réchauffement excessif du corps de l’animal, révèle Ivan Ineich. Le stress occasionné par la capture peut blesser l’animal et le rendre plus vulnérable face à ses prédateurs et ses parasites. »

    Jean-Marie Lafond en rajoute une couche : « Rien que l’éclairage et, a fortiori, la manipulation de jour comme de nuit constituent un stress pour l’animal qui peut avoir une influence sur son comportement, sa nutrition, sa reproduction et, au final, sa survie. » C’est bien pour cela que le code de l’environnement de la province Sud (tout comme celui de la province Nord) interdit et punit sévèrement la capture, la détention et le commerce des reptiles endémiques. Et que le gouvernement a décidé, en 2007, après des soupçons de trafic vers les USA, l’interdiction d’exporter des geckos. Mais les reptiles endémiques sont des véritables stars chez les collectionneurs qui sont prêts à débourser des sommes folles pour acquérir un spécimen. « Depuis des années, des lézards de Calédonie, qui ne vivent nulle part ailleurs, sont en vente, très faciles à obtenir sur Internet », proteste Ivan Ineich.

    Les scientifiques lancent un cri d’alarme. Pour la plupart classés en « danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature, les reptiles endémiques risquent d’être répertoriés « en danger critique d’extinction » si le trafic perdure.

    *Pour protéger l’espèce, la localisation de l’îlot n’a pas été dévoilée.

    Il suffit de quelques clics pour les trouver. Sur internet, les geckos et autres lézards endémiques à la Calédonie se vendent très facilement sur des sites de collectionneurs peu scrupuleux. « Les offres de vente pullulent », déplore Ivan Ineich, et le prix de certaines de ces petites bébêtes peut atteindre plusieurs centaines de milliers de francs. « Le prix de chaque individu peut être très élevé. » Certains spécimens, rares et difficiles à capturer, s’arrachent à plusieurs millions de francs. Un marché clandestin compte tenu de la réglementation des provinces.

    « Les reptiles de Nouvelle-Calédonie sont presque tous endémiques (92 %). On ne les trouve nulle part ailleurs, présente le spécialiste du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Certaines espèces sont spectaculaires par leur aspect physique, leur taille ou leur coloration et font l’objet d’énormes convoitises de la part des amateurs de reptiles captifs. »

    Les plus populaires au monde

    C’est aux États-Unis, en Europe et en Asie que les reptiles calédoniens sont les plus prisés des amateurs. Depuis des décennies, ils sont capturés et sortis de ce « hotspot » mondial en toute illégalité, au nez et à la barbe des autorités. « Ces geckos sont parmi les plus populaires au monde et attirent les trafiquants surtout sur les îlots de l’île des Pins où ils sont plus faciles à capturer », développe le docteur.

    Le dernier exemple de trafic en date remonte à l’année dernière. Kato Yasunori avait été interpellé par la gendarmerie le 20 janvier 2017 à l’aérodrome alors qu’il quittait discrètement Kunié. Dans ses bagages, soixante-dix-neuf geckos de toutes tailles, uniques au monde et protégés par les codes de l’environnement, qu’il destinait à la vente. Poursuivi pour détention, transport et commerce devant le tribunal correctionnel de Nouméa, ce Japonais, absent à son procès, a écopé d’une amende de 800 000 francs et de l’obligation d’indemniser les provinces Sud et Nord à hauteur de 7 millions de francs au titre du préjudice environnemental. « Nous avons interjeté en appel, l’affaire sera jugée en juin », annonce Me Julien Marty, le conseil de Kato Yasunori.

    L’attitude de certains habitants pointée du doigt

    Si les trafiquants sont nombreux à partir en expédition sur le Caillou pour capturer des reptiles, Ivan Ineich pointe du doigt certains habitants « qui conduisent les touristes sur des îlots et sont au courant de leurs faits et gestes. Ils savent très bien qu’il est interdit de laisser des touristes séjourner la nuit sur des îlots mais quelques-uns le font quand même, en toute illégalité ». Le scientifique en appelle à « la population locale, pour qui ces reptiles devraient être un héritage précieux à transmettre en l’état à ses enfants ».

    P

    92 % des scinques et des geckos que l’on trouve en Calédonie sont endémiques et donc protégés par le Code de l’environnement.

    >

    42 espèces de geckos ont été répertoriées sur le Caillou, 36 sont endémiques. À l’échelle mondiale, il y a près de 1 300 espèces recensées.

    G

    Xxx

    Xxxx.

    e

    « Le sujet a été évoqué lors des Assises du tourisme. Nous allons renforcer notre sensibilisation auprès des Kunié »

    Jean-Marie Lafond, directeur de l’environnement à la Maison bleue.

    c

    Repères


    Sévèrement puni par le code de l’environnement

    La capture, le transport ou la détention des geckos constituent un délit, selon le code de l’environnement de la province Sud, passible d’un an de prison et d’une amende pouvant atteindre plus de 1,7 million de francs, sans compter les peines complémentaires pouvant être prises par la justice (interdiction de séjour, saisie de matériel, etc.).


    Des saisies peu fréquentes

    Le cas de ce Japonais est assez rarissime. Bien souvent, des touristes repartent avec du corail, des coquillages de bénitier ou de nautile. De 2011 à 2017, la douane a recensé une dizaine de dossiers relatifs à la saisie d’espèces endémiques destinées à sortir du pays. En 2012, un particulier vendait des perruches d’Ouvéa sur le marché local. Huit oiseaux avaient été saisis. L’affaire avait fait grand bruit.


    Des tortues marines « manipulées et stressées »

    C’est l’une des animations phares des sociétés d’excursion implantées à l’île des Pins. « 100 % garanti » de voir des tortues, peut-on lire sur le site d’une entreprise touristique. Un moment partagé par les touristes sur les réseaux sociaux où l’on voit des tortues passer de main en main. « Ces tortues sont manipulées et stressées. L’animal fait l’objet d’une séance collective de photographies absolument inacceptable », estime Ivan Ineich qui rappelle que « le code de l’environnement de la province Sud interdit toute perturbation intentionnelle des tortues marines. C’est la direction de l’environnement qui doit le faire respecter. »

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • MEDIAS ASSOCIÉS
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS
    Contenus Locaux Sponsorisés










rigthbanner

rigthbanner