Les Nouvelles calédoniennes :

Cette rentrée s’annonce riche en nouveautés…

Jean-Charles Ringard-Flament : 2019, c’est la troisième année du projet éducatif calédonien, donc ce projet continue à se mettre en place, mais là on touche à des niveaux de réforme plus profonds. Le système est en mouvement. On a amorcé en 2018 la réforme du collège. Maintenant, il faut faire avant et après le collège. C’est pourquoi on lance la réforme de la voie professionnelle et on amorce celle du bac général. A ce sujet, ce n’est pas parce que l’Etat a décidé de réformer le bac qu’il ne faut pas s’interroger sur la réalité des élèves calédoniens, qui est différente de celle des Métropolitains.

Quelles sont ces nuances ?

Depuis trois ans, plus d’élèves choisissent l’enseignement général et technologique que professionnel. On a réussi à inverser la tendance, donc on a plus d’élèves qui arrivent en seconde générale, ce qui signifie une plus grande hétérogénéité des profils. Donc comment peut-on aider les professeurs à gérer cette hétérogénéité ? En Métropole, ils ont décidé de mettre en place 18 heures d’accompagnement personnalisé pour les gamins en grande difficulté. Compte tenu du public calédonien, c’est une opération sur laquelle il faut s’engager davantage : au lieu de 18 heures, on double et on passe à 36 heures par an et par élève en difficulté. Autre exemple : la Nouvelle-Calédonie est entourée d’Anglo-Saxons. La réforme du lycée, c’est de préparer les gamins à poursuivre des études supérieures. L’anglais étant incontournable, on prend la décision de mettre plus d’heures de langue vivante dans la réforme du lycée. Toute l’année 2019 va être centrée sur l’accompagnement des professeurs pour que cette mesure soit effective dès 2020. On souhaite passer de 4 heures à 4 h 30 de LV1 par semaine. Cela signifie que les Calédoniens auront plus d’heures de cours que leurs homologues de Métropole.

Ce qui implique un besoin plus important de professeurs de langue…

Il faudra sans doute aller en chercher davantage de Métropole. Mais pour l’école supérieure du professorat et de l’éducation, l’institut qui forme localement les maîtres, cela donne aussi des perspectives en termes de débouchés et d’emplois.

Parmi les nouveautés de l’année figure l’évaluation en sixième et en seconde. De quoi s’agit-il ?

L’évaluation en sixième en français, en mathématiques et en sciences, ce n’est pas nouveau. Par contre, ce qui est nouveau, c’est que l’on prolonge l’évaluation en français et en mathématiques par un accompagnement particulier des élèves en difficulté. Et ils vont bénéficier d’un dispositif d’accompagnement personnalisé en lecture et en mathématiques. En mathématiques, aujourd’hui, un élève sur deux, à l’issue des évaluations de sixième est en difficulté. On ne peut pas se contenter de cela. L’autre nouveauté, en effet, c’est la mise en place des tests en classe de seconde, qui s’appellent tests de positionnement, en français et en mathématiques, ce qui permet ensuite un accompagnement personnalisé en fonction du degré de difficulté. C’est une première. Pour réussir son lycée, il faut tout miser sur la seconde, donc on crée les conditions de cette réussite.

Déjà lancée l’an passé, la réforme du collège se poursuit…

Au-delà de l’évaluation en sixième, l’autre point de la réforme cette année, c’est le passage à un enseignement par compétences. Que signifie ce jargon ? Jusqu’à présent les familles recevaient un bulletin de notes. Ce temps-là est révolu car on va transformer progressivement la notation chiffrée en une appréciation de compétences. Le challenge, c’est donc de faire évoluer la pratique des enseignants.

La réforme du primaire est également en vue. Où en est-on ?

Le 10 janvier 2019, les élus ont voté la réforme du primaire : réforme de l’organisation horaire, réforme de la structuration de l’école en cycles, des programmes et de la formation initiale des professeurs. Tout ceci se mettra en place en 2020. Mais 2019 est une année importante car il faut préparer les maîtres. Parmi les grandes nouveautés figure la mise en place de la liaison CM1-CM2-sixième, très importante. Par exemple, les enseignants du premier degré devront s’emparer des résultats des évaluations de sixième pour savoir quels enrichissements en tirer.

Dans les lycées, la réforme du bac en 2021 concerne déjà les élèves de seconde…

Les élèves de seconde rentrent cette année dans un nouveau lycée. La réforme du bac 2021 va s’appliquer pour eux dès la rentrée. 54 heures seront ainsi dédiées à l’éducation à l’orientation. C’est très important afin d’éviter les travers d’un système d’orientation subie. L’idée, c’est d’avoir une orientation positive préparée en amont, soit pour l’insertion professionnelle, soit pour l’accession aux études supérieures. Par ailleurs, je rappelle que dès l’an prochain, en première, il n’y aura plus de série L, S et ES. Il y aura un socle commun avec des enseignements de spécialité en science, en art, langues, etc. Il y aura donc un brassage complet de tous les élèves sur un volume horaire de 18 heures par semaine qui sera commun. Puis, les élèves approfondiront leur enseignement de spécialité. Ils pourront en choisir trois, dont deux compteront pour le bac. Pour les filières technologiques, ce sera le même modèle.

Le dispositif « devoirs faits » doit également être lancé. Quelles sont ses ambitions ?

On l’a lancé l’an dernier, maintenant cela devient obligatoire dans tous les collèges publics et privés. Le constat est assez simple : tout le monde n’a pas les mêmes conditions de vie chez soi pour apprendre ses leçons et faire ses devoirs.

Il importe que le collège offre un temps dédié à cela, encadré par un enseignant à raison de trois heures par semaine. Dans les lycées, si les chefs d’établissement veulent aider à préparer le bac pendant les vacances, on les incitera aussi une semaine en août et en octobre à mener des séquences d’aide aux révisions du bac. Dans les deux cas, il s’agira d’un acte volontaire de la part des professeurs, qui sera rétribué.

La voie professionnelle est elle aussi en profonde mutation…

Jusqu’à présent, le bac pro se fait en trois ans, sauf que les élèves ne vont pas tous au même rythme. On se dit donc qu’il faut assouplir la durée de formation afin de mieux s’adapter au rythme de chacun. Un élève qui obtient un CAP en deux ans, pourrait le passer en un an ou en trois ans. Un élève en bac pro sur trois ans pourrait le passer en deux ou quatre ans. Donc on va réorganiser les contenus d’enseignement en modules. C’est une révolution. On a même de l’avance par rapport à la Métropole.

On est pionniers ici en raison de la situation des gamins calédoniens, qui chaque année, sont entre 600 et 700 à sortir du système scolaire sans qualification. On ne peut plus continuer comme cela, donc il faut faire bouger le lycée professionnel. J’ai souhaité que 35 % des élèves en bac pro poursuivent en BTS. Proportionnellement, on a deux fois plus de places de BTS en Nouvelle-Calédonie qu’en Métropole. Je ne suis pas peu fier de cette décision. Il faut créer les conditions de la réussite.