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    Nouvelle Calédonie
  • ENTRETIEN AVEC Séverine Bouard, chercheuse à l’Institut agronomique néo-calédonien (IAC)
    Propos recueillis par Gilles Caprais gilles.caprais@lnc.nc | Crée le 21.09.2018 à 04h32 | Mis à jour le 21.09.2018 à 04h32
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    « À long terme, nous pensons que la plus grande force de la Nouvelle-Calédonie, c’est probablement son capital naturel et son capital culturel hors norme », estime Séverine Bouard, géographe agro-économiste.Photo Julien Cinier
    Les chercheurs de La Nouvelle-Calédonie face à son destin ont continué à plancher sur les questions de croissance, de développement et de soutenabilité du modèle économique. Plutôt encourageantes, ses projections mettent en évidence l’importance de l’action publique.

    Les Nouvelles calédoniennes : Vos travaux de recherche se sont poursuivis au-delà de la Nouvelle-Calédonie face à son destin, publié il y deux ans. Sur quels aspects ont-ils porté ?

    L’ouvrage visait à répondre à trois questions. Est-ce que le modèle économique de la Nouvelle-Calédonie a changé depuis les années 1980, depuis le modèle d’économie assistée développé par Jean Freyss ? La trajectoire de croissance et de développement est-elle soutenable ? Quelles options stratégiques pour relever les défis qui s’imposent ?

    Depuis, nous avons réalisé une modélisation macro-économétrique pour répondre, notamment à la troisième question. On a mobilisé les données du passé pour construire les équations du modèle et réaliser des projections à court ou à moyen termes, à 3 ou à 5 ans. Notre idée, c’était de fournir différents horizons et de les mettre dans le débat, au niveau du collectif de chercheurs, mais aussi au niveau politique.

    Quelles trajectoires se dessinent ?

    On a travaillé sur deux variantes : le cours du nickel et le taux de change du franc CFP par rapport au dollar US, avec, à chaque fois, un scénario central, un optimiste et un pessimiste. Pour les cours du nickel, avec les prévisions de la Banque mondiale, on est autour de 14 000 dollars la tonne. Dans le scénario optimiste, avec l’essor prévu des véhicules électriques, on monterait à 20 000 dollars. Le pessimiste, c’est 10 000 dollars, et c’est également réaliste.

    Le modèle montre que même dans le cadre du scénario pessimiste, on a une progression du produit intérieur brut. Elle est faible, mais il y a de la croissance. Il n’y a donc pas de scénario catastrophe. Ce qu’on note aussi, c’est que la Nouvelle-Calédonie reste extrêmement vulnérable aux variations du nickel. Ça pose des questions en termes de gestion de cette rente, de gestion des périodes difficiles.

    Pour la balance commerciale, le scénario pessimiste débouche sur un taux de couverture des importations par les exportations qui tournerait autour de 60 %. Et si on bascule sur un scénario optimiste, dans lequel on intègre la montée en production des usines, on a une courbe qui s’accentue, et on aurait un taux de couverture qui s’approcherait de 80-90 %. Il faut prendre beaucoup de précautions, mais cet indicateur permet d’être assez optimiste. Par rapport aux objectifs que les décideurs s’étaient fixés, la stratégie n’était pas mauvaise, le choix de la métallurgie en tout cas.

    Qu’en est-il de la soutenabilité du modèle économique ?

    On a développé un indicateur, le taux d’épargne véritable. S’il est au-dessus de zéro, la trajectoire de croissance de la Nouvelle-Calédonie est soutenable au sens « faible », c’est-à-dire dans l’hypothèse qui veut que l’on puisse substituer les capitaux entre eux, où la dégradation du capital naturel peut être compensée par des investissements, en écoles, en hôpitaux, en capital humain à travers la formation ou la culture. Sur les trois scénarios de variation du cours du nickel, à l’horizon 2024, on resterait au-dessus de zéro. Mais dans le scénario pessimiste, la pente est très marquée, elle s’approche rapidement de zéro. Il faut qu’on affine les chiffres, il faudrait pouvoir mieux intégrer les indicateurs liés à la pollution, mais ce scénario pessimiste pose pas mal de questions en termes de soutenabilité.

    Il y a des effets de seuils, il y a des moments où les choses ne sont plus substituables, où la nature ne peut pas se remettre des dégradations. Et il n’appartient pas aux économistes de dire quels sont les choix de société à faire, ça relève du débat public. Mais avec ce type d’approche, on peut amener les gens à se projeter.

    De quelle force disposent les politiques publiques pour faire prendre à la Nouvelle-Calédonie une voie de développement plutôt qu’une autre ?

    La modélisation montre que par le passé, il y a eu de très bonnes choses de faites par les politiques de rééquilibrage et de transfert, et ensuite, par les investissements directs étrangers, pour construire les usines. Il y a eu une volonté forte d’avoir des politiques d’investissement dans des équipements, dans le capital humain.

    De notre point de vue, garder cette force de politique volontariste est important.

    En Nouvelle-Calédonie, le rôle des politiques publiques est absolument essentiel pour orienter les trajectoires économiques. Le champ des possibles est très ouvert. Il n’y a pas de surdétermination, ni par la géographie ni par l’histoire, à partir du moment où les hommes se saisissent de leur propre destinée.

    C’est ce que disait Jean Freyss en 1995, en qualifiant l’économie calédonienne d’économie très politique, et il y a au moins un double sens.

    Les prises de position politiques sont importantes ; et les mesures de politique économique et sociale peuvent changer durablement la trajectoire.

    Votre outil de modélisation ne comporte que deux variantes, les cours du nickel et le taux de change. Est-il question d’en intégrer de nouvelles ?

    L’idée, c’est d’améliorer notre outil, notamment sur différents scénarios de fiscalité mais à cet égard-là on manque de données sur les questions fondamentales de répartition de la valeur ajoutée, sur les salaires, les profits, les marges et donc la formation des prix. On a un modèle qui a pour vocation d’intégrer ces éléments-là, qui n’existent pas pour le moment.

    Aujourd’hui, l’Isee (Institut de la statistique et des études économiques, NDLR) n’a pas les moyens de produire ces données indispensables. Le constat, c’est que la Nouvelle-Calédonie manque cruellement de données économiques. Et ce n’est pas une bonne chose pour le débat public, parce que c’est la porte ouverte à tous les fantasmes. De notre point de vue, il est fondamental que les institutions locales telles que l’Isee aient les moyens, financiers et humains, de fournir des données de qualité pour accompagner un débat éclairé, surtout un débat à la hauteur des enjeux actuels.

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